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  • Présentation de l'association

    Une présentation succincte de notre association car vous trouverez en détail tant sur son histoire que sur les actions menées, toutes les précisions nécessaires dans le rapport annuel 2001.
    Depuis déjà 7 ans, elle lutte contre l'homophobie : dénonce les manifestations d'homophobie dont elle a connaissance et mène des actions de prévention et d'éducation.
    Simultanément, elle anime le seul Observatoire de l'homophobie en France.

    En effet, la ligne d'écoute anonyme ouverte fin 1994 reçoit les appels des victimes ou témoins de discriminations et violences homophobes. Elle les écoute, leur donne les moyens de se prendre en charge, mais aussi et surtout, elle les enregistre. Dresser une cartographie de l'homophobie permet de mieux la combattre.
    Le premier rapport annuel sur l'homophobie sort en 1997, il porte sur les données recueillies en 1996. Depuis, chaque année, un nouveau rapport a vu le jour. (Ce rapport est constitué des analyses thématiques et statistiques des appels reçus, également d'une analyse de la presse et des discours politiques de l'année, de morceaux choisis d'homophobie... ). Le rapport 2001 est sorti la semaine dernière (vous pouvez vous le procurer dans les meilleures librairies et désormais à la FNAC, nous pouvons vous le remettre sur demande).

    Avant d'entrer dans le vif du sujet, deux remarques préalables :

    • L'Observatoire de SOS homophobie est animé par une équipe constituée de seuls bénévoles (dont une douzaine d'écoutants formés à cette pratique), sans l'aide de subvention et sans numéro subventionné. Le numéro d'appel de la ligne d'écoute, s'il est de mieux en mieux connu, n'est encore diffusé que de façon quasi confidentielle, par conséquent, les données dont nous disposons sont partielles. La permanence d'écoute n'est ouverte que du lundi au vendredi, pendant 2 heures, de 20h à 22h et nous n'avons qu'une seule ligne.
    • La méthode de travail de l'Observatoire consiste à transcrire chaque appel traité sur une fiche d'écoute normalisée. L'ensemble des fiches alimente une base de données. L'étude statistique et thématique est restituée en détail dans le rapport annuel. Si l'appelant manifeste le besoin d'une aide effective qui dépasse le cadre de l'écoute, il lui est demandé d'adresser un dossier. Après étude, l'association peut rédiger une lettre de soutien dont l'appelant se prévaut dans ses démarches, elle peut également interpeller l'auteur du fait homophobe. Dans la plupart des cas, cela suffit pour ramener l'individu, l'entreprise ou l'institution concernée à la raison. Au cours de l'année 2000, SOS homophobie a traité une 60taine de ce type d'interventions. Elle a ainsi communiqué avec l'état major de l'armée française, des banques, des prisons, des enseignes commerciales, et bien entendu avec des proviseurs d'établissements scolaires, des rectorats d'Académie...
  • Analyse des données

    1.1. Synthèse des données de l'année 2000, en 2 points : qui et pourquoi ?

    1.1.1. Qui nous a appelés ? En 3 points : genre, lieu, âge.

    • Qui appelle la ligne ?
      • Une population très majoritairement masculine a appelé la ligne puisque nous ne totalisons même pas un tiers d'appels de femmes : sur les 472 appels répondus en 2000 (auxquels il faut ajouter une soixantaine de demandes de soutien par courrier + e-mails.), 77 % émanent d'hommes et 22 % de femmes.
      • Ce constat est l'occasion de faire un zoom sur la lesbophobie :
        • L'analyse des données dont nous disposons tend à établir que le rejet ou la haine envers les femmes homosexuelles est inséparable du sexisme. En effet, la lesbophobie se manifeste lorsque le choix lesbien met en péril la définition traditionnelle des rôles sexuels impartis aux genres masculin et féminin.
        • Comparativement aux appels en provenance des hommes homosexuels, il y a peu de violence physique, peu de conflits ouverts. La lesbophobie est moins impulsive, plus indirecte, calculatrice et tenace. Les femmes sont plus souvent harcelées que les hommes, elles appellent davantage pour exprimer leur mal de vivre ou pour être simplement écoutées car elles ont peu d'espaces de paroles.
        • La lutte contre la lesbophobie passe donc avant tout par la communication, il faut d'abord briser l'isolement.
    • D'où viennent les appels ?
      • La répartition géographique atteint un équilibre surprenant, nous avons traité autant d'appels émanant de province (47 %) que de la région parisienne (46 %).
    • Quel est l'âge des appelants ?
      • 67 % de nos appelants avaient entre 25 et 50 ans, répartis également dans les deux tranches d'âge 25-34 ans et 35-50 ans. Mais 8 % des appelants avaient plus de 50 ans (37 personnes) et 14 % étaient très jeunes puisqu'ils avaient moins de 25 ans. Cette dernière tranche d'âge se répartit en 3% de 15 - 18 ans (13 personnes) et 11 % de 19 - 24 ans (51 personnes).

    1.1.2. Pour quelles raisons nous ont-ils appelés ?

    En 6 thèmes classés en nombre décroissant d'appels : le quotidien, le travail, des questions ou des témoignages, le mal de vivre son homosexualité, les injures publiques, les agressions physiques.

    • Thème n° 1 : les problèmes dans leur quotidien, qui représentent 27 % du total des appels (126 cas), répartis en 5 catégories
      1. Les difficultés de voisinage :
        • insultes, menaces et incivilités (dégradation de la boîte aux lettres, pétards jetés dans le vide ordures, poubelles balancées sur la voiture...) et même violences physiques.
      2. Les difficultés familiales :
        • L'homosexualité utilisée comme argument "repoussoir " pour l'attribution d'une garde d'enfant dans les divorces : enquêtes sociales et déchéance des droits parentaux, souvent l'accusation pédophile n'est pas loin. ( Une fois de plus, nous venons de recevoir un jugement qui reproche à l'un des parents d'avoir déjà abandonné des premiers enfants et à l'autre de vivre en concubinage homosexuel, comme si ce dernier fait pouvait constituer un fait répréhensible).
        • Maltraitante et humiliation des plus jeunes mais également d'adultes.
      3. Les difficultés avec les forces de l'ordre et les vigiles privés :
        • Interpellations musclées, gardes à vue suspectes à la sortie des boites homos ou dans les lieux de drague le plus souvent, mais également dans la rue ou dans le RER à Paris.
      4. Les refus de vente de biens ou de services dans des établissements commerciaux :
        • difficultés pour obtenir un prêt bancaire ou contracter une assurance en couple
        • expulsions de restaurant pour s'être tenus par la main au prétexte que cela gêne les clients
        • réservations de chambre d'hôtel annulées lorsque le couple se présente pour prendre possession de la chambre.
      5. Les difficultés dans des lieux ou établissements publics à l'hôpital ou en milieu pénitentiaire.
    • Thème n° 2 : l'homophobie au travail correspondant à 23 % du total des appels.
      • Il est surprenant de constater que les salariés du public sont autant touchés que ceux du privé, 39 % de ces appels sont effectués par des salariés d'entreprises publiques, contre 42% pour le privé. En outre, la répartition des appels entre la région parisienne et la province est d'une parfaite égalité. La majorité des appelants est dans la tranche d'âge des 25-34 ans. Tous les milieux professionnels et statuts sont touchés. L'homophobie peut être le fait de la hiérarchie, de subordonnés ou de collègues.
      • Dans cette catégorie d'appels :
        • 72 % ont pour origine une mise à l'écart, des menaces, insultes ou moqueries, parfois du chantage et du harcèlement. Beaucoup d'appelants sont combatifs mais d'autres accablés et dévalorisés sombrent dans la dépression.
        • 19% sont relatifs à un licenciement, un non - renouvellement de contrat ou une menace de licenciement.
        • Les 5 % restants concernent des mutations. ( SNCF)
    • Thème n° 3 : les questions diverses et les contributions apportées par de simples témoins occupent une place importante puisque cette 3ème catégorie représente 22% des appels.
      • Des lycéens qui préparent un exposé sur la question de l'homophobie nous demandent le rapport annuel, d'autres des adresses d'associations ou de services, certains apportent un témoignage : un article, une émission, un graffiti les a heurtés...
    • Thème n° 4 : le mal de vivre son homosexualité avec 13 % des appels
      • Paris appelle autant que de la province, toutes les tranches d'âge sont concernées, même s'ils ont en majorité entre 35 et 50 ans. Ces appelants souffrent ou ont souffert de l'isolement et ou du rejet, ont parfois développé une pathologie et en dernier recours se tournent vers une oreille attentive pour se raconter
    • Thème n° 5 : les injures homophobes Elles correspondent à 10 % de la totalité des appels
      • Proférées dans des circonstances qui ne rentrent pas dans un des contextes préalablement cités, elles ont généralement eu lieu dans des lieux publics.
    • Thème n°6 : les agressions physiques si elles n'ont pas disparu, ne représentent plus que 5 % de la totalité des appels.
      • Elles ont pour 48 % d'entre elles, eu lieu à Paris (11 appels) et se produisent surtout dans la rue, mais aussi sur les lieux de drague ou dans les lieux d'habitation. Les agressés sont majoritairement jeunes, entre 19 et 34 ans, ce sont des hommes à 91%.

    1.2. Analyse comparative sur les cinq dernières années : évolutions et constantes

    1.2.1. Les évolutions

    • Le nombre d'appels moyen annuel des 4 dernières années est de 324, mais au cours de l'année 2000, nous en avons totalisé 472. Cette augmentation ne signifie pas nécessairement que l'homophobie augmente mais que la ligne d'écoute est mieux connue et que les personnes victimes d'homophobie sont plus enclines qu'avant à s'insurger et témoigner.
    • Les femmes appellent toujours moins que les hommes, néanmoins le nombre de leurs appels a aussi augmenté, puisque de 64 appels en 1997 nous sommes passés à 106 en 2000.
    • Si le nombre d'appels émis par la province est en 2000, équivalent au nombre des appels parisiens, la première année, il ne représentait qu'un tiers du total.
    • Toutes les tranches d'âge sont touchées, si la première année, aucun 15-18 ans n'avait appelé notre ligne, en 2000, 13 d'entre eux l'ont fait.
    • Relativement aux thèmes des appels :
      • Deux catégories d'appels ont incontestablement augmenté
        • La catégorie Vie quotidienne si elle a toujours totalisé un nombre important d'appels, a significativement augmenté puisque de 73 appels en moyenne par an, nous sommes passés en 2000 à 126. Cette augmentation est peut-être à mettre sur le compte des débats sur le PaCS. Ils ont eu le mérite de banaliser l'homosexualité, de la rendre plus visible, mais comme cette évolution s'est faite sans accompagnement pédagogique (pas de campagnes d'information ou de prévention publiques dignes de ce nom), alors les homophobes, ceux qui ne croient pas l'être et ceux qui ne savent pas, eux, n'ont pas vraiment changé. Confrontés, à ce qu'ils identifient aujourd'hui clairement comme "étant de l'homosexualité ", ils se croient autorisés à manifester leur hostilité.
        • La catégorie Travail totalisait jusqu'ici une moyenne annuelle de 48 appels, en 2000, elle a plus que doublé, c'est dans cette catégorie que l'augmentation est la plus forte. Nous remarquons que dans leur grande majorité, les appelants sont désormais déterminés à se battre. Le monde du travail reste le plus sûr des refuges de l'homophobie.
      • En revanche,
        • Les agressions physiques, si elles existent encore et sont parfois terriblement violentes voire meurtrières, on assassine encore en France pour raison d'homosexualité (affaire des Assises...), ont diminué de moitié. Nous sommes tombés de 46 appels annuels relatifs aux agressions physiques, à 23 en 2000.

    1.2.2. Les constantes

    • Le mal de vivre est constant, avec une très légère augmentation en 2000.
    • Ce sont toujours les 35-50 ans, suivis de peu des 25-34 ans qui nous appellent le plus.

    En conclusion :

    • Depuis 1997 l'homophobie a changé de nature, elle est moins souvent brutale et primaire. Les agressions physiques signalées sont en nette diminution. Elle est en revanche plus présente dans toutes les sphères du quotidien, toujours dans la rue, en famille, mais aussi au travail, dans les loisirs, dans les lieux de vie, là où des homosexuels s'affichaient moins avant.
    • Il paraît acquis que pour les pouvoirs publics et une bonne partie des médias, le problème n'est plus tant l'homosexualité elle-même que l'homophobie. Pour autant, elle sévit toujours et probablement pour un certain temps encore. Il va donc falloir se donner et nous donner les moyens de la combattre.
  • Nous consignons et analysons ces données pour établir des constats qui impliquent d'adopter des mesures appropriées

    2.1. Il y a déjà eu quelques avancées, les plus marquantes sont sans conteste :

    • l'adoption du PaCS, même s'il est indispensable de faire évoluer ce texte qui ne correspond pas suffisamment à nos besoins. Sur ce point voir les travaux de L'observatoire du Pacs et son dernier rapport.
    • sous l'impulsion de Martine Aubry, les amendements apportés à l'article L122-45 du code du travail qui interdiront quand la loi de modernisation sociale sera adoptée, de discriminer à l'embauche et pendant l'exécution du contrat de travail, à raison de l'orientation sexuelle ; la charge de la preuve sera partagée.
    • Et l'appel lancé par Jack Lang à lutter contre l'homophobie et le sexisme à l'école.

    2.2. Pour autant, le texte précité n'est pas encore adopté et les recommandations ne doivent pas rester lettre morte.

    Pour les homosexuels, au quotidien, la vie n'est pas aussi rose que l'est la couverture de notre rapport 2001 !

    C'est pourquoi :

    • Il faut donner à cet Observatoire comme à toutes nos associations, les moyens de travailler correctement.
    • Bien au-delà, il faut mettre en oeuvre des politiques nationale et locale de lutte contre l'homophobie et la lesbophobie qui doivent prendre appui sur des constats, celui que nous effectuons aujourd'hui, d'autres également :
      • Il est nécessaire de communiquer spécifiquement à l'encontre des lesbiennes qui pour beaucoup d'entre elles, sont encore plus isolées et moins informées que les gais, et de prendre en compte les difficultés qui sont plus particulièrement les leurs.
      • ll ne paraît pas fantaisiste d'affirmer que l'homophobie est globalement plus virulente en province qu'à Paris, pourtant nous n'enregistrons pas plus d'appels de province : il faut donc trouver les moyens de lutter contre l'isolement et le manque d'informations de beaucoup d'homosexuels et de lesbiennes vivant en province.
      • L'homophobie frappe dans toutes les tranches d'âge, des plus jeunes aux plus âgés, mais pas de la même façon, les plus jeunes rencontrent surtout des problèmes dans leur milieu familial ou dans le milieu scolaire. Il est donc nécessaire d'adopter des programmes d'information, de prévention et d'éducation adaptés à des publics différents. Il est notamment urgent de lutter contre l'homophobie et le sexisme à l'école. Dans les cours d'éducation civique, il devrait être enseigné que l'orientation sexuelle est une liberté fondamentale. En attendant, nous perdons un précieux temps.
      • Il faut éduquer les personnels des services publics en contact avec la population : personnels hospitaliers, pénitentiaires, forces de l'ordre, enseignants...
      • Il faut adopter et faire appliquer des textes efficaces pour lutter contre les discriminations, notamment dans le domaine du travail.
      • Il faut adopter (ou modifier un texte existant) afin de pénaliser l'homophobie : aux détracteurs d'un tel projet, je répondrai qu'il faut faire confiance en la sagacité des juges. Ce n'est pas parce qu'il existe une loi anti-raciste que les tribunaux sont envahis d'actions ou que les juges donnent systématiquement raison au demandeur. Mais au moins, nous aurons la possibilité de nous défendre contre les appels à la haine, au meurtre.
        Pour ces deux derniers points, voir le Manifeste interassociatif de Lutte contre l'homophobie. Edit. Prochoix.
  • Conclusions

    Si nous concevons parfaitement qu'il faudra du temps pour effacer l'homophobie des mentalités, nous savons que les pouvoirs publics ont les moyens d'accélérer le processus, et nous pensons qu'il est de leur responsabilité de le faire. Nous allons en reparler tout à l'heure avec leurs représentants, en attendant, nos premiers invités vont à leur tour, chacun dans leur domaine, établir leur constat.

    Christine Le Doaré, pour SOS homophobie

 

RAPPORT SUR L'HOMOPHOBIE 2001