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  • ÉDITO

    398 appels en 2002. La ligne d'écoute de SOS homophobie accuse une baisse (-13 %) du nombre d'appels. L'homophobie serait-elle donc enfin en régression ? On peut se prendre à en rêver. Les efforts de toutes ces années de militantisme auraient-ils fini par payer ? La lutte contre l'homophobie serait-elle à présent dépassée ? Devrions-nous rejoindre d'autres combats ?
    Essayons de rester lucides : une analyse plus poussée nous montre que la baisse des appels provient essentiellement de la région Ile-de-France, les appels de province sont stables. Les Parisiens sont moins enclins à témoigner, moins victimes ou témoins d'actes homophobes, ou autre hypothèse, ils ont plus facilement accès à l'information et aux structures de soutien qui existent essentiellement dans la capitale. Ils ont donc moins besoin de nos services.
    Si cette baisse fait écho à celles des rubriques " homophobie au travail " et " mal de vivre ", en revanche la rubrique " vie quotidienne " (relations avec le voisinage, les commerçants, l'administration...) montre une augmentation significative dans l'ensemble des appels. Cette progression marque un tournant important dans la prise de conscience des victimes et des témoins : on appelle davantage pour dénoncer ce type d'agressions, de discriminations ; on ne veut plus accepter, se taire, laisser faire. À moins que la plus grande visibilité des homosexuels depuis le vote de la loi sur le PaCS ne déchaîne les voisins homophobes...
    Les appels motivés par des agressions physiques accusent également une hausse sensible (+ 1,35 %). En dépit d'une tolérance, voire d'une certaine " homophilie " affichée par un nombre croissant de nos concitoyens, on agresse encore physiquement des gens en France, au motif de leur homosexualité, que cette dernière soit réelle ou supposée.

    Notre combat est plus que jamais d'actualité. Après l'inquiétude devant les avancées d'une extrême droite très hostile aux lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels, a succédé un état de vigilance permanente face à un gouvernement composé de nombreux homophobes avérés. Nous ne pouvons pas nous permettre aujourd'hui de baisser les bras. Certes, la société progresse insensiblement. Des avancées certaines ont eu lieu au niveau de la reconnaissance du couple et de la vie professionnelle, mais les discriminations vécues au quotidien, les insultes, les quolibets, le mépris touchent encore trop souvent les homosexuels de notre pays. Ces agressions doivent être considérées par la loi au même titre que celles subies pour des motifs religieux ou racistes.

    Il serait justice que nous obtenions l'égalité des droits avec les hétérosexuels. Ces réformes ne se feront que par notre combat, notre mobilisation, nos propositions. Nous ne refusons aucun progrès dû à l'actuelle majorité, si minime soit-il. Mais nous ne sommes pas dupes. Nous ne voulons pas de miettes. Un dispositif législatif doit être adopté, une politique sociale progressiste proposée pour garantir enfin l'égalité de l'ensemble des citoyens : pénalisation des discriminations et des insultes homophobes, campagne de sensibilisation à l'école sur les différentes orientations sexuelles, campagne nationale de lutte contre l'homophobie à l'instar de ce qui se fait pour les violences conjugales ou le racisme. Notre association revendique également l'égalité des droits en matière de mariage et d'adoption, cette évolution allant dans le sens de la lutte contre l'homophobie chronique de notre société. La liste de nos attentes est longue, le retard pris par les politiques sur ces sujets est immense aussi ! Tant que ces injustices n'auront pas été reconnues et combattues par les législateurs, l'action de SOS homophobie et de ses militants restera d'actualité ! Nous continuons donc à travailler, n'hésitez pas à nous rejoindre et à nous soutenir !

    Laure Lagardère (Vice-Présidente) et Ronan Rosec (Président)

  • Sommaire

    Le premier chapitre du Rapport retrace l'histoire de SOS homophobie depuis sa création en 1994. Il fait le point sur ses combats et propose une synthèse du module créé par l'association pour lutter contre l'homophobie en milieu scolaire.

    Le second chapitre est consacré à l'actualité politique, juridique et socioculturelle de l'homophobie d'avril 2002 au printemps 2003 et revient, entre autres, sur le scrutin présidentiel de 2002, le meurtre homophobe de Reims, l'agression contre Bertrand Delanoë, le débat sur la pénalisation de l'homophobie ou encore l'affaire du dépacsage de Lille…

    Le troisième chapitre constitue le cœur du Rapport annuel : il analyse le demi-millier de témoignages d'homophobie que nous avons reçu en 2002 principalement sur la ligne d'écoute, mais aussi par courrier et sur le site Internet. Il met ces données en perspective avec les chiffres des années précédentes.

    Enfin, la quatrième et dernière partie se penche sur l'attitude de la presse française vis-à-vis de l'homosexualité et a suivi pour cela quatre quotidiens (Le, Figaro, Le Monde, Le Parisien et Libération) et trois hebdomadaires (Le nouvel Observateur, Le Point et Marianne)

  • Conclusions

    Cette édition du Rapport sur l'homophobie a été construite à partir de quatre sources :

    • les témoignages d'homophobie que nous avons reçus au cours de l'année 2002,
    • le travail effectué par les différentes commissions de SOS homophobie,
    • le suivi de l'actualité sur la période avril 2002/mars 2003,
    • l'analyse de la presse sur la même période.

    A propos des témoignages reçus sur notre ligne d'écoute

    "En 2002, 398 personnes ont appelé la ligne de SOS homophobie : il s'agit en très grande majorité d'hommes, d'homosexuels/les et presque aussi souvent de franciliens que de provinciaux. Ce sont principalement les 25-34 et 35-50 ans qui nous contactent même si on constate une augmentation des appels des très jeunes.
    Une écrasante majorité de ces appelants (près de 40%) sont victimes d'homophobie dans la vie quotidienne, c'est-à-dire dans leurs relations avec le voisinage, l'administration, les commerces ou les services. C'est un chiffre qui augmente d'année en année, alors que les témoignages d'homophobie dans le monde du travail diminuent et occupent la seconde place avec près de 21% des appels. Viennent ensuite les catégories "mal de vivre" (11%) et "homophobie familiale" (8,5%), les appels divers constituant 21% du total.
    Précisons enfin que sur l'ensemble de ces appels, 10% relatent des agressions physiques." (p.59 du Rapport)

    À propos des politiques

    "On peut diviser la classe politique française en trois pôles quant à leur attitude vis-à-vis des problématiques homosexuelles: un pôle clairement homophobe (l'extrême droite), un pôle homophile (le PCF et les Verts), un pôle parfois homophobe, parfois homophile : un "ventre mou" qui est souvent embarrassé quand on lui parle de ces questions et qui rassemble le PS et la droite.
    Pour autant, la distinction gauche/droite vaut toujours : quand la gauche plurielle a voté pour le PaCS en 99, elle l'a fait dans un esprit d'égalité entre homos et hétéros et donc en se plaçant dans une tradition égalitaire. Quand la droite a proposé, puis voté, l'amendement sur la pénalisation de l'homophobie, elle s'est inscrite dans la logique répressive qui est la sienne en ce moment. La gauche comme la droite ont donc bel et bien fait progresser les droits des homosexuels ces dernières années, mais chacune à sa manière et selon ses critères et ses priorités." (p.39 du Rapport)

    À propos de la presse

    "On peut s'estimer plutôt satisfait de la presse française grand public : pas fondamentalement homophile, mais pas foncièrement homophobe. Pas de quoi se plaindre donc, sinon sur un point : la place accordée aux lesbiennes. En un an et sur sept titres, les articles qui leur sont consacrés se comptent sur les doigts d'une main. Quant à la lesbophobie, il n'en est question nulle part, sinon une fois dans le supplément Paris-Ile-de-France du nouvel Observateur. Loin de nous l'idée d'accuser les journalistes de faire preuve de discrimination, mais force est de reconnaître que sur ce point, ils ne font que participer à un déni généralisé de l'homosexualité féminine dans notre société au lieu de remplir leur rôle d'aiguillon en parlant de ce que tout le monde tait." (p.128 du Rapport)

  • Chronologie

    Retrouvez toute la chonologie du 21 avril 2002 à fin mars 2003...

    21 avril
    Le Pen
    Jean-Marie Le Pen arrive deuxième au premier tour de l'élection présidentielle avec 16,86% des voix. À plusieurs reprises, le président du Front National s'est fait remarquer par des propos homophobes. Pour lui, les homosexuels ont "des comportements déviants", le PaCS doit être abrogé et l'adoption par les couples homosexuels n'est pas envisageable.
    28 avril
    Mémoire
    Cérémonie à Paris en mémoire de la déportation homosexuelle. Plusieurs centaines de personnes y participent, notamment des responsables politiques et associatifs.
    1er mai
    Manifestation
    Un million et demi de personnes, dont de nombreux homosexuel(le)s, défilent dans toute la France contre Jean-Marie Le Pen.
    5 juin
    Adoption
    Le Conseil d'Etat rejette le recours déposé par une institutrice homosexuelle en matière d'adoption. Depuis 98, cette femme de 38 ans se voit refuser l'agrément des services sociaux du Jura pour adopter. Elle a déjà protesté de cette décision devant le tribunal administratif de Besançon et devant la cour administrative de Nancy, mais sans succès.
    16 juin
    Bourges
    Lors du second tour des élections législatives, deux homosexuels s'emparent d'une urne dans un bureau de vote de Bourges. Ils entendent ainsi protester contre les fermetures de leurs deux établissements gays sur décisions de la préfecture du Cher.
    Le 8 novembre, ils sont condamnés à un mois de prison ferme.
    17 juin
    Gouvernement
    Au lendemain du second tour des élections législatives, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin présente son gouvernement. On note la présence d'un ministre ouvertement homosexuel (Jean-Jacques Aillagon, à la Culture et la Communication), d'une ministre favorable aux homosexuel(le)s (Roselyne Bachelot, à l'Ecologie) et de personnalités qui se sont distinguées par leurs positions homophobes (notamment Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux Affaires Etrangères, et Henri Plagnol, à la Réforme de l'Etat).
    29 juin
    Gay Pride
    Plus d'un demi-million de personnes défilent dans les rues de Paris pour la Marche des fiertés LGBT (Lesbian, Gay, Bi et Trans). En province, de fin mai à début juillet, les différentes Gay Pride réunissent plusieurs dizaines de milliers de participants.
    Juillet
    Albertville
    Un fichier des homosexuels et des Maghrébins tenu par la police municipale est découvert à Albertville (Savoie). Ces fiches auraient été rédigées entre avril et septembre 2001. Le parquet d'Albertville classe sans suite cette affaire, mais en décembre, la CFDT se porte partie civile.
    6 août
    Conseil de l'information sexuelle
    Deux associations sont exclues, par décret, du Conseil Supérieur de l'Information Sexuelle (CSIS). Il s'agit de l'APGL, (Association des parents et futurs parents gays et lesbiens), seule association homosexuelle à siéger jusqu'alors au CSIS, et de la Cadac (Coordination des associations pour le droit à l'avortement et à la contraception). Elles laissent la place à Familles de France et à l'Association des familles catholiques.
    5 septembre
    Amalgames
    Lors du procès devant la Cour d'assises de Melun (Seine-et-Marne), où dix personnes comparaissent pour pédophilie, le président Wacogne reprend un accusé qui confondait homosexualité et pédophilie. Certains médias qui suivent le procès n'ont pas le même souci d'éviter les amalgames.
    13-14 septembre
    Meurtre
    Un jeune homme est assassiné dans la nuit sur un lieu de drague gay à Reims (Marne). Dix jours plus tard, trois jeunes, âgés de 16 à 23 ans, sont arrêtés dans le cadre de l'enquête sur ce meurtre.
    24 septembre
    Mémoire
    L'adjoint à la Culture du maire de Paris, Christophe Girard, présente son projet de financement d'un Centre d'archives et de documentation homosexuelles dans la capitale. Auparavant, la quasi-totalité des conseillers de Paris avaient voté en faveur d'une subvention de 100 000 euros pour l'association de préfiguration de ce centre.
    5 octobre
    Trans
    Sixième marche Exis-Trans pour les droits des personnes transsexuelles, une édition marquée par la présence de 300 personnes (selon les organisateurs) et une intervention des forces de l'ordre.
    6 octobre
    Delanoë
    Lors de la Nuit Blanche, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, est poignardé à l'Hôtel de ville par un homme de 39 ans, Azedine Berkane. Lors de sa garde à vue, l'agresseur affirme "ne pas aimer les homosexuels".
    9 octobre
    Manifestation
    Après l'exclusion de deux associations du CSIS (cf. 6 août), 300 à 400 personnes, dont de nombreuses associations homosexuelles, manifestent à Paris contre "le retour de l'ordre moral".
    14 octobre
    Chirac
    Lors d'une visite à Troyes (Aube), le chef de l'Etat se prononce en faveur de la création d'une autorité indépendante qui serait chargée de lutter contre les discriminations, notamment homophobes.
    16 octobre
    PaCS
    Sur proposition de la gauche, l'Assemblée nationale examine des amendements à la loi sur le PaCS visant à supprimer le délai de trois ans avant l'imposition commune des pacsés et la condition de deux ans en matière de donation entre pacsés. Aucun de ces amendements n'est adopté : la majorité UMP s'y oppose.
    25 octobre
    Protestantisme
    Quatre des seize Eglises de la Fédération protestante de France lancent une consultation interne sur trois sujets : l'accueil des homosexuel(le)s, la bénédiction des couples de même sexe et l'embauche de pasteurs ouvertement homosexuels.
    25 novembre
    Adoption
    Dans une interview au Figaro, le Ministre délégué à la Famille, Christian Jacob, se dit "opposé à l'adoption par les personnes homosexuelles".
    10 décembre
    Pénalisation de l'homophobie
    Les députés adoptent à l'unanimité un projet de loi qui punit plus gravement les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe. La gauche avait proposé qu'on y ajoute les infractions à caractère homophobe ; mais la droite a refusé, assurant que cette question serait réglée début 2003.
    28 janvier 2003
    Pénalisation de l'homophobie
    La majorité de droite à l'Assemblée nationale adopte le projet de loi sur la sécurité intérieure. Ce texte modifie les articles 132, 221 et 222 du Code pénal de sorte que "les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l'infraction est commise à raison de l'orientation sexuelle de la victime". Cette loi est définitivement adoptée par le Parlement le 12 février.
    4 février
    UMP
    Le secrétaire général de l'UMP, Philippe Douste-Blazy, annonce le ralliement à l'UMP d'une association d'homosexuels de droite : Gay Lib (auparavant affiliée au parti d'Alain Madelin, Démocratie Libérale).
    20 février
    PaCS
    Le quotidien Libération révèle qu'en juin 2002 le président du Tribunal de grande instance de Lille a fait constater l'adultère perpétré par un pacsé et ordonné un dépacsage.
    28 février
    Procès pour viol
    Quatre jeunes hommes sont condamnés à huit ans d'emprisonnement chacun par la Cour d'assises de Montpellier pour le vol, la séquestration et le viol d'un homosexuel.
    27 mars
    CGT
    Lors de son 47ème congrès à Montpellier (Hérault), la CGT adopte une résolution qui appelle toutes les directions syndicales à lutter contre "le racisme, la xénophobie, l'intolérance, l'homophobie et les discriminations envers les femmes".
    31 mars
    Snes
    Lors de son congrès à Toulouse (Haute-Garonne), le Syndicat national des enseignements de second degré adopte un texte de lutte contre l'homophobie : le Snes "déplore qu'aucun dispositif juridique ne pénalise les injures ou les actes homophobes et soutient les initiatives diverses qui visent à doter notre pays d'une loi qui comblerait cette lacune".
RAPPORT SUR L'HOMOPHOBIE 2003