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Le Rapport annuel 2016 est disponible en téléchargement gratuit. Vous pouvez également le commander au format papier sur notre site web, paiement par CB ou chèque, pour nous soutenir.

Il est frappant de constater que les violences verbales et les agressions se produisent essentiellement dans des contextes liés à la vie quotidienne, en famille, dans les lieux publics, le voisinage, au travail et dans le milieu scolaire, où les victimes sont de plus en plus jeunes. La situation est préoccupante : en 20 ans, l’homophobie ordinaire faite essentiellement d’ignorance et de rejet, s’est transformée en refus de l’égalité des droits et en violences verbales ou physiques assumées à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bi-e-s et trans’.

Ce terrible constat nous motive encore plus pour continuer à agir, à porter haut la voix des victimes pour que personne n’oublie que chaque année, les violences et les discriminations touchent encore trop de personnes.
Bien-sûr, à force de militantisme, de combats et de fierté, nous avons obtenu des avancées.
Le vote des lois instaurant le PACS, l’aggravation des peines encourues, le délit d’injure homophobe et bien évidemment l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe constituent de réelles satisfactions. Mais force est de constater que ces avancées, acquises dans la douleur, sont incomplètes et font persister certaines inégalités laissant le champ libre à des discriminations insupportables.

Ne laissons pas cette homophobie, cette biphobie et cette transphobie perdurer !

Nous continuerons aussi longtemps qu’il le faudra, à interpeler nos gouvernant-e- s pour obtenir la fin des discriminations et une véritable égalité des droits. Nous devons persévérer pour obtenir l’accès à la PMA pour toutes les femmes, pour simplifier les procédures de changement d’état civil pour les personnes trans’, pour permettre le don du sang en se basant sur les comportements à risques plutôt que sur l‘orientation sexuelle... Plus généralement, nous devons rester mobilisé-e- s pour porter nos revendications politiques plus haut et fort que nos opposant-e- s. 2016 nous donnera l’occasion de solliciter les futur-e- s candidat-e- s, pour rappeler à certain-e- s leurs engagements et à d’autres que nos droits, comme nos vies ne peuvent reposer sur des dogmes ou des stéréotypes.

Au-delà de la sphère politique, notre engagement collectif, nos actes quotidiens, notre visibilité, notre détermination à mener des actions militantes constituent le cœur de notre lutte contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie : nous continuerons autant que nécessaire à soutenir les victimes de LGBT-phobies, à déconstruire les préjugés, à sensibiliser les publics jeunes et adultes, à dénoncer tous les actes ou propos insultants, violents, discriminants, et bien-sûr, à être visibles.

 

Compléments - "La parole à..."

 

SOS homophobie a à cœur, chaque année, d’ouvrir son rapport à des personnalités (physiques ou morales) extérieures sensibilisées à la problématique des LGBT-phobies. Notre association donne ainsi la parole à des chercheurs, des personnalités politiques, médiatiques ou à d’autres associations qui offrent un regard croisé sur les thématiques traitées dans notre rapport et contribuent à enrichir l’analyse qu’il contient.

Ces participations extérieures sont l’objet des encadrés intitulés « La parole à... ».

En 2016, nous avons donné la parole aux personnes et structures suivantes, que nous remercions chaleureusement pour leurs contributions.

  • LA PAROLE À LA COMMISSION LGBTI D'AMNESTY INTERNATIONAL

    A l’occasion des 20 ans du rapport annuel, nous avons souhaité donner la parole à des personnalités extérieures à notre association et recueillir leurs commentaires sur cet étrange anniversaire.

    Le rapport annuel d’SOS homophobie étant réalisé à partir des témoignages reçus par notre association, les informations qu’il contient concernent majoritairement les cas de LGBT-phobies répertoriés la France. Avec le chapitre international, nous avons souhaité dépasser ces frontières et nous faire l’écho des discriminations subies par les personnes LGBT à travers le monde. La commission LGBTI d’Amnesty International, très investie sur la scène internationale, nous fait part du travail accomplit depuis 20 ans :

    “Amnesty International s'est créée en 1961 autour de combats fondateurs que sont la défense des prisonniers d'opinion et la liberté d'expression. Son champ d'intervention initial s'est peu à peu étendu à l'ensemble des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Le combat en faveur des droits des personnes LGBTI a donc émergé au sein d'Amnesty International lorsqu'il est devenu évident que le mouvement devait à la fois promouvoir les droits humains dans leur ensemble et s'opposer à leur violation, en particulier lorsqu'il s'agissait du droit à ne pas subir de discriminations.

    Depuis 1997, la section française d'Amnesty International est fortement engagée dans la lutte contre les discriminations auxquelles sont exposées les personnes LGBTI, en France et ailleurs. Ces discriminations prennent plusieurs formes, allant de la peine de mort à l'emprisonnement en passant par des restrictions aux libertés fondamentales telles que la liberté d'expression, de réunion ou d'association. Afin de faire connaître la situation des personnes LGBTI au grand public et d'interpeller les gouvernements, Amnesty International a publié de nombreux rapports.

    Ainsi, l'année 1998 voit la parution du premier rapport sur ce sujet « Briser le silence. Violations des droits de l'homme liées à l'orientation sexuelle ». Suivront plusieurs autres documents tels que le rapport « Identité sexuelle et persécutions » en 2001 ou encore, en 2014, le rapport « L'Etat décide qui je suis » sur la question des procédures de changement d'état civil défaillantes ou inexistantes pour les personnes transgenres en Europe. Ces rapports ont été accompagnés de nombreuses campagnes de plaidoyer. Suite au soutien apporté à John Jeanette, personne transgenre norvégienne, dans le cadre de la campagne « 10 jours pour signer » 2014, le Premier ministre norvégien a annoncé la promulgation d'une loi qui rend possible un changement de genre à l'état civil sur simple déclaration. Amnesty International a également soutenu le cas de Noxolo Nogwaza, militante violée puis assassinée en raison de son orientation sexuelle en Afrique du Sud. Mais Amnesty International pèse aussi sur les discussions nationales et internationales grâce à son statut consultatif auprès de différentes organisations. Elle a ainsi participé au groupe de travail de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme sur le projet de loi « Mariage pour tous », ou rappelé sa position lors de l'adoption par 66 Etats, le 18 décembre 2008, de la résolution des Nations-Unies condamnant les discriminations basées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Enfin, Amnesty International France participe au Comité de pilotage du Fonds de soutien mis en place par le Ministère des Affaires Etrangères pour attribuer des soutiens financiers aux associations LGBTI à travers le monde.

    La section française d'Amnesty International faisant partie d'un mouvement mondial, elle apporte son soutien à des marches à risques comme celle de Varsovie en 2010 ou de Vilnius en 2013 par une présence physique permettant souvent d'assurer la sécurité des cortèges. Pour la première fois dans l'histoire de la section française, le 27 juin 2015, 400 militants ont rejoint la marche des fiertés de Paris à l'occasion de l'Assemblée Générale d'Amnesty International France. Grâce à la mobilisation de ses militants, Amnesty International a pu mettre en avant son action sur cette thématique aujourd'hui ancrée dans l'ADN du mouvement”.

    Commission LGBTI,
    Amnesty International

  • LA PAROLE À L'ASSOCIATION COMIN-G

    COMIN-G est une association créée en 2004. Elle a pour objectif premier de lutter contre les LGBTphobies au sein des ministères économiques et financiers.

    Les signalements de discriminations ou harcèlements à caractère LGBTphobe qui concernent les agent-e-s des finances n’ont pas été plus nombreux en 2015. Le nombre de signalements qui nous sont parvenus a diminué, mais nous sommes conscients que cela ne signifie pas que les faits ont été moins nombreux. D’ailleurs, nous constatons et regrettons toujours des comportements LGBTphobes. Un exemple en plein Bercy : on a retrouvé une affiche ministérielle de lutte contre l’homophobie arrachée et jetée au sol devant un local syndical.

    Pour COMIN-G, 2015 a surtout été l’année de l’adoption de « 10 engagements contre l’homophobie »  par les ministères économiques et financiers.

    Ces 10 engagements ont été adoptés à l’issue d’une discussion longue et riche lors de groupes de travail qui rassemblaient les organisations syndicales et l’administration, avec l’expertise de notre association.

    Ils ont été présentés en juin 2015 par la chef de cabinet d’Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, en présence de la DRH ministérielle, de la délégation à la diversité et des organisations syndicales.

    Le premier engagement est d’agir explicitement en faveur de l’égalité des droits et lutter contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Concrètement, les procédures et règles RH doivent être vérifiées, les cadres doivent être formés, les initiatives locales doivent être encouragées. De plus, des fiches pratiques à destination des managers, des services RH, et des agents ont été rédigées, elles doivent être diffusées prochainement.

    Autre engagement important, un partenariat doit voir le jour entre les ministères et COMIN-G en 2016. Ce partenariat devrait enfin nous donner accès aux écoles de formation des douanes, de la répression des fraudes, de l’INSEE et des finances publiques par exemple, ce que nous réclamons depuis la création de l’association il y a 12 ans !

    Afin de s’assurer que l’ensemble des mesures sera respecté, les ministères se sont engagés à prendre les sanctions adéquates en cas de situations avérées de discriminations, et la mise en œuvre des engagements fera l’objet d’un suivi quantitatif et qualitatif qui reste à définir.

    Les discriminations qui touchent les lesbiennes, les gays, les bis et les trans au travail sont trop souvent le fait d’individus qui cherchent à appuyer là où ils peuvent faire mal. Les managers et représentants du personnel sont parfois démunis face à certaines situations. Mettre en place une politique de prévention, en sensibilisant les représentants du personnel et en amenant l’employeur à s’engager, devrait, nous l’espérons, porter ses fruits dans les prochaines années et protéger, autant que possible, les collègues lesbiennes, gays, bis et trans.

    Nous avons d’ailleurs continué en 2015 à travailler avec les syndicats, dans une démarche commune à l’association Homoboulot et les associations professionnelles qui en sont membres, notamment en utilisant des affiches Homoboulot. L’implication croissante des organisations syndicales montre leur prise de conscience tant de l’importance de cette thématique que de la nécessité de se l’approprier pour mieux former les représentants du personnel.

    Notre objectif reste celui du slogan d’Homoboulot : « Au travail, tous égaux, pas de distinguo ».

    COMIN-G,
    association des personnels lesbiennes, gays, bis et trans du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie

  • La parole à Jacques Toubon, Défenseur des droits

     

    Malgré le renforcement des politiques publiques et la multiplication des actions menées, les actes et propos LGBTphobes restent importants et peuvent se traduire par des discriminations dans de nombreux domaines tels que l’emploi, le logement, l’éducation, l’accès aux biens et services, qu’ils soient publics ou privés.

    Pour prévenir et sanctionner les atteintes aux droits, nous devons agir. La lutte contre l'homophobie est de la responsabilité de chacun et c'est bien sûr la mienne. Elle s’inscrit au cœur au cœur de la mission de défense des droits et des libertés qui m’a été confiée. Ainsi, chaque fois que je suis saisi de réclamations relatives à des discriminations ou des cas de harcèlement moral discriminatoire, je mobilise mes pouvoirs d’enquêtes et les solutions dont je dispose au service d’un objectif : rétablir la personne dans ses droits.

    L’entrave au droit de se marier d’un couple franco-marocain, l’exclusion des hommes homosexuels du don du sang, la rupture discriminatoire de la période d’essai d’un jeune homosexuel, le refus d’indemnisation du congé de paternité et d’accueil de l’enfant opposé à la compagne de la mère de l’enfant, le non-respect de l’identité de genre par les établissements bancaires ou encore l’interdiction pour les couples de femmes d’accéder à la PMA sont autant de situations discriminatoires que j’ai dénoncées en 2015.

    Pour autant, les réclamations ne représentent qu’une part infime des actes et propos LGBTphobes. Aussi, pour assurer une plus grande visibilité aux actes homophobes et transphobes, j'ai demandé au Ministère de l’intérieur de porter ces données préoccupantes au cœur du débat public sur le modèle de la communication annuelle relative aux faits délictueux à caractère raciste et antisémite. Une telle communication institutionnelle favoriserait une prise de conscience collective et la mobilisation des acteurs.

    L’Institution déploie ainsi, au-delà des réclamations individuelles une action de promotion de l’égalité et de l’accès aux droits. Dans ce cadre, je veille à créer les conditions d’une égalité concrète en  cherchant à mieux identifier les discriminations et à les prévenir. Cela passe notamment par la diffusion d’outils de prévention et d’information afin de favoriser l’accès aux droits et de  limiter les phénomènes de sous-déclaration en cas de discrimination. La campagne 2015 « un droit pour moi aussi » comprenant une affiche sur l’homosexualité est par exemple venue compléter la campagne d’information sur les droits des victimes de l’homophobie au travail.

    La déconstruction des stéréotypes qui imprègnent notre société et la sensibilisation des acteurs pour obtenir un changement durable des pratiques constitue également une priorité. Pour cela, les modules de formation dispensées par l’Institution permettent de sensibiliser un public varié (policiers, cadres de l’Education nationale, magistrats, étudiants etc.) et d’amplifier la démarche de prévention des discriminations.

    Ainsi, les actions de lutte contre l’homophobie menées par l’Institution s’inscrivent dans un combat plus large contre les discriminations et les inégalités d’accès aux droits et nous veillons à rappeler aux acteurs la nécessité de se pencher sur les critères d’orientation sexuelle et d’identité de genre dans le cadre de nos outils ou formations généralistes de lutte contre les discriminations. Dans cette configuration, le modèle de protection généraliste qui combat toutes les formes de discriminations, constitue un modèle adapté aux enjeux contemporains  en conservant une perspective universaliste et un traitement intersectionnel.

    Jacques Toubon
    Défenseur des Droits
    Le Défenseur des droits est une autorité constitutionnelle indépendante chargée de veiller au respect des droits et libertés

  • LA PAROLE À MAÎTRE EMILIE DURET, AVOCATE

    A l’occasion des 20 ans du rapport annuel, nous avons souhaité donner la parole à des personnalités extérieures à notre association et recueillir leurs commentaires sur cet étrange anniversaire.

    Emilie Duret est avocate au barreau de Paris, où elle pratique un droit généraliste, exerçant plus particulièrement en droit de la famille homoparentale. Militante, elle nous fait part de son point de vue de juriste sur les combats qui, 20 ans après le premier rapport sur l’homophobie en France, devront encore être menés pour prétendre à l’égalité :

    “Une étrange sensation d’amertume. Une impression d’avoir perdu autant que gagné le combat.

    En 2016, les familles homoparentales auraient dû se réjouir : les évolutions réalisées en faveur de l’égalité des droits depuis les 20 dernières années ont été considérables avec la consécration du PACS puis de la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe. Nul ne peut en effet renier l’action du Gouvernement et tout particulièrement de Madame Christiane Taubira, ex Garde des Sceaux qui, à contre-vents et manifs-pour-tous, a tenu le cap et permis le vote d’une loi offrant la sécurité juridique et la reconnaissance de la filiation pour toutes les familles. Les personnes homosexuelles peuvent à présent se marier et adopter l’enfant de leur conjoint : le chemin à parcourir reste pourtant interminable à tous points de vue, tant les concessions aux opposants aux mariage pour tous ont été nombreuses.

    La première et la plus évidente des aberrations consiste évidemment en l’absence d’ouverture de l’aide médicale à la procréation pour les couples de femmes en France, promesse non tenue du candidat Hollande alors qu’il a toujours été clair que l’ouverture de l’adoption était principalement destinée aux couples de femmes ayant conçu un enfant avec l’aide d’un tiers donneur. L’hypocrisie veut donc que des dossiers d’adoption plénière de l’enfant du conjoint sont traités et validés par tous les Tribunaux de France, sans qu’aucun couple ne soit autorisé à bénéficier d’une procréation médicalement assistée en France et donc à une prise en charge par la sécurité sociale, le coûts du procédé s’ajoutant aux frais de transports à la charge des familles.

    Pour aller plus loin, la réelle hypocrisie réside dans la nécessité d’avoir recours à une procédure d’adoption. Ainsi, lorsqu’un enfant naît au sein d’un couple marié hétérosexuel s’applique une présomption de parenté, ce qui signifie que la filiation de l’époux est automatiquement établie. Lorsqu’un enfant naît au sein d’un couple marié homosexuel, nulle présomption et l’enfant ne dispose d’une filiation qu’à l’égard de son parent biologique. Le parent social (celui qui n’a pas de lien biologique avec l’enfant) est donc contraint de se soumettre à une procédure judiciaire et à une attente de plusieurs mois avant de voir reconnaître sa filiation à l’égard de l’enfant, au détriment bien sûr de l’intérêt supérieur ce dernier en cas de décès du parent légal.

    Et le statut du parent social, précaire dans l’attente de l’établissement de la filiation, se réduit considérablement en l’absence d’adoption : en un tel cas, bien qu’un nouvel alinéa 2 de l’article 371-4 du Code civil lui permet d’obtenir, si certaines conditions sont respectées, l’obtention d’un droit de visite et/ou d’hébergement à l’égard de l’enfant, ce droit est loin d’être acquis et doit faire l’objet d’une procédure contentieuse devant le Tribunal. De nombreux parents sociaux hésitent d’ailleurs à faire valoir leurs droits, de peur d’être coupés de leurs enfants dans l’attente de la décision de justice : cette épée de Damoclès est insupportable, et une place intangible doit être réservée aux parents sociaux.

    Enfin, et la liste des combats n’est évidemment pas exhaustive, le sort réservé aux enfants nés par gestation pour autrui se doit d’être sécurisé, afin de permettre la transcription des actes de naissance étrangers sur les registres de l’état civil français, que ces actes mentionnent la présence d’un seul parent, des parents légaux ou des parents d’intention : l’Etat de droit se doit de reconnaître l’existence de ces « fantômes de la République », et de leur garantir le droit au respect de leur vie privée et familiale.

    Ainsi, le chemin vers l’indifférence est encore long : rendez-vous dans 20 ans ?”

    Emilie Duret,
    Avocate, Membre de la commission juridique de l’Association des Parents et futurs parents Gays et Lesbiens

  • LA PAROLE À EMMANUELLE COSSE, MINISTRE DU LOGEMENT ET DE L'HABITAT DURABLE,

    A l’occasion des 20 ans du rapport annuel, nous avons souhaité donner la parole à des personnalités extérieures à notre association et recueillir leurs commentaires sur cet étrange anniversaire.

    Il y a 10 ans, Emmanuelle Cosse était journaliste pour le magazine Têtu. Interrogée par notre association sur les “priorités d’action pour faire reculer l’homophobie dans les 10 ans à venir”, elle nous livrait une contribution dans laquelle elle plaidait pour le renforcement d’un volet “prévention” de l’homophobie et pour une égalité des droits “pleine et entière”. Depuis, son quotidien a beaucoup évolué, la lutte contre les LGBT-phobies aussi. Quel regard porte-t-elle, aujourd’hui, sur sa contribution de 2006 ?

    “Vingt ans de SOS Homophobie, c’est-à-dire 20 ans d’engagement associatif contre la haine et les discriminations, ça se célèbre. Car s’il y a une grande tristesse à se dire que cette longévité reflète aussi la persistance de l'homophobie dans notre société, le chemin parcouru est considérable.

    Tout d'abord, aujourd'hui Ministre, mais militante de la lutte contre le sida il y a 20 ans, je voudrais souligner l'immense travail que j’ai vu SOS Homophobie accomplir au fil de ces années, et son impact profond. Recenser, documenter, publier des données sur les actes homophobes a rendu ce sujet tangible et incontournable pour les médias et le grand public. Il a aussi permis que petit à petit les victimes se fassent connaitre, au début anonymement, puis par des témoignages forts, à visage ouvert. C’est ce cheminement qui amène aujourd'hui des victimes à dire stop, haut et fort, dès qu'une infraction est commise. Je veux saluer le courage immense de ces victimes qui demandent à être reconnues comme telles.

    Cet anniversaire doit aussi nous rappeler d’où nous venons. Je me souviens qu'en 1995, il n'était pas si simple de se tenir la main pour un couple d'hommes dans les rues de Paris. Alors militante d’Act Up, c’est au quotidien que je constatais combien les expressions d'homophobie, même dans la capitale, étaient fortes. Cette haine ordinaire, avec son corollaire d’agressions sordides et de crimes en raison de l'homosexualité de la victime, nous ne devons pas l’oublier.

    Le travail de SOS Homophobie a aussi permis de montrer, au fil du temps, de quelles violences on parle. Je pense notamment aux agressions sexuelles et aux viols dont de nombreuses lesbiennes ont été victimes, en raison de leur homosexualité. Des violences intrafamiliales mais aussi commises sur le lieu de travail.

    Le rapport annuel de SOS Homophobie, et les analyses qui en découlent, permet de dévoiler ces actes ignobles et d'ancrer ce sujet dans l'actualité de notre pays, et je crois que c'est pour cela aussi qu'au fil des années, le combat contre l'homophobie a gagné en visibilité, puis au niveau pénal.

    Les dernières grandes manifestations de haine, au moment du débat sur le mariage pour tous/toutes, ont pourtant montré que la société française est encore loin d’une tolérance complète et partagée.

    C'est pourquoi je ne retire rien de ce que j'écrivais pour SOS Homophobie voici 10 ans, alors en tant que journaliste à Têtu. Nous avons besoin évidemment d'un système pénal clair dans ses positions et son soutien aux victimes. Mais cela ne suffit pas : sans éducation contre la haine et en faveur de la visibilité de l'homosexualité, rien n'avancera. D'où la nécessité d'établir une égalité réelle sur tous les droits, dont la PMA.

    Ne nous voilons pas la face sur le mal-être de jeunes homos encore aujourd'hui, sur le taux de suicide important qui les frappe, car cela aussi nous ramène à l’exigence de ne pas faiblir dans la lutte contre l'homophobie.

    Alors agissons en même temps pour aider les victimes, pour éduquer contre l’homophobie et pour rendre visible l’homosexualité dans la vie quotidienne. Et c’est quand elle ne sera plus du tout un tabou, ni en politique ni dans l'entreprise privée comme dans la fonction publique, qu’alors nous aurons gagné.

    SOS homophobie œuvre depuis 20 ans en ce sens. C’est pourquoi je veux dire à ses militant-es ma profonde reconnaissance pour le travail qu’ils mènent et l’inaltérable combativité dont ils font preuve. Longue vie à SOS Homophobie !”

    Emmanuelle Cosse,
    Ministre du Logement et de l’Habitat Durable

  • La parole à Gilles Condoris, journaliste, militant et ancien président de SOS homophobie

    A l’occasion des 20 ans du rapport annuel, nous avons souhaité donner la parole à des personnalités extérieures à notre association et recueillir leurs commentaires sur cet étrange anniversaire.

    En premier lieu, nous avons donné la parole à Gilles Condoris. Militant, ancien président d’SOS homophobie, il était à la tête de notre association lorsque le premier rapport annuel sur l’homophobie a été publié. 20 ans après, nous l’avons interrogé pour savoir s’il trouvait toujours du sens à ce rapport. Voici sa contribution :

    “Même si ...
    Le premier rapport sur l'homophobie en France réalisé par l'association SOS homophobie, date de 1997. Ce fût alors, une vraie avancée dans notre combat pour arriver à l'égalité des droits, avec la majorité hétérosexuelle.

    Plus qu'un outil, cette somme de témoignages récoltés sur la ligne téléphonique mise en place par l'association reflète la parole de toute une population traumatisée par ce qu'elle a vécu au quotidien , du rejet , de la discrimination et parfois même de l'agression verbale , ou physique. Enfin, il y avait un espace où dire cette souffrance, en sachant qu'elle servirait non seulement à la dénoncer, mais aussi à forcer les pouvoirs publics à agir.

    Depuis 20 ans, ce rapport annuel est attendu, lu et commenté. Celui-ci est d'autant plus précieux, car il donne des tableaux statistiques, des analyses graphiques, aborde aussi le traitement de l'homophobie par les médias et est illustré par des exemples concrets. Grâce à un travail considérable, uniquement fourni par des bénévoles, il permet de mesurer l'évolution de l'intensité des actes homophobes dans notre société.

    Bien sur, depuis 1997, les lois se sont considérablement améliorées en ce qui concerne les protections des LGBT. La visibilité s'est nettement développée et la très grande majorité de nos concitoyens sont d'accord avec une réelle égalité des droits.

    Et pourtant... Les témoignages demeurent très nombreux sur l'intolérance de certains. Des menaces pèsent toujours sur nos droits durement acquis. D'autres dangers nous guettent avec la montée en puissance des fanatiques religieux et politiques. Plus que jamais, il faut continuer à témoigner, à dénoncer et à agir.

    20 ans après sa naissance, le rapport annuel de SOS homophobie doit rester une source incomparable et indispensable. Merci à tous ceux qui ont et auront à coeur de continuer à l'aider à exister”.

    Gilles Condoris,
    Ancien président d’SOS homophobie.

  • La parole à Julien Pontes, ancien président du Paris Foot Gay

    La dissolution du Paris Foot Gay, le 29 septembre 2015, a été une décision douloureuse. En revanche, elle a été un vrai soulagement pour tous les acteurs du foot et du sport (Fédération française de football, Ligue de football professionnel, ministère des Sports) qui ont renoncé depuis quelques années à lutter contre l'homophobie dans le foot et le sport en général.

     

     

    Le Paris Foot Gay, fondé en 2003 par Pascal Brethes, a été pionnier dans ce combat. Partant de zéro, il a permis de grandes avancées en 12 ans d'activité : signature de sa charte contre l'homophobie par la Ligue de football professionnel et 9 clubs professionnels (dont le PSG), journées « b. Yourself » au Parc des Princes avec des centaines de jeunes footballeurs, clip contre l'homophobie diffusé dans les stades, rencontres avec des clubs de supporters, sensibilisation de jeunes et formation d'éducateurs, première enquête sur l'homophobie dans les clubs de football professionnel et les centres de formation pour les jeunes.

     

     

    Cette enquête avait eu un fort écho médiatique en 2013 compte tenu de ses résultats alarmants. En effet, 41 % des joueurs professionnels et 50 % (!) des jeunes en centres de formation se déclaraient hostiles aux homosexuel-le-s, dans un milieu où l'homosexualité est un tabou absolu, où l'homophobie est une norme collective, fédératrice, voire « éducative » : le « pédé », la « tarlouze », la « chochotte » est le repoussoir du groupe, le stéréotype du faible, du maladroit. Dès les premiers coups de ballon, les footballeurs évoluent dans cette banalité de l'homophobie. Les injures homophobes dans les clubs, les stades de foot ne sont jamais sanctionnées. Le football est une des plus importantes usines à homophobie de notre société. Dans ces conditions, il est parfaitement illusoire d'attendre d'un joueur de foot professionnel qu'il fasse son coming out en France.

     

     

     

    Faire ce constat en 2016 est terrible. C'est une honte, un déshonneur pour celles et ceux qui exercent des responsabilités sportives ou politiques, qui ont en main tous les indicateurs et les préconisations qui permettraient de lutter concrètement et efficacement contre ce fléau.

     

    Ces préconisations sont parfaitement connues, simples à mettre en œuvre : renforcement des sanctions contre les clubs qui tolèrent les manifestations d'homophobie dans les stades et à leurs abords, mise en place de commissions de surveillance et d'observation dans les stades pour repérer et identifier leurs auteurs, sensibilisation des jeunes, formation des éducateurs et des arbitres, soutien des sponsors et des instances du foot à tout joueur qui souhaiterait faire son coming out (la Fédération hollandaise de football défile à la Gay Pride d'Amsterdam, en France nous en sommes loin...).

     

     

    Tout est sur la table, mais rien n'est mis en place. Le foot, ce sont deux millions de licencié-e-s, des stars adulées par notre jeunesse sans être toujours exemplaires, des milliards d'euros dont une infime partie pourrait servir à des programmes éducatifs, de lutte contre les discriminations dont l'homophobie. Tout cela est usant, désespérant.

     

     

    Dernier président de l'association, j'ai moi-même été, pour la première fois, en juillet dernier, victime d'une agression homophobe violente, qui m'a valu 4 jours d'interruption totale de travail. Pour un militant contre l'homophobie qui déplorait depuis des mois l'inaction des pouvoirs publics dans ce domaine, c'était le coup de trop.

     

     

    Avoir été « lâchés » par la Mairie de Paris a aussi pesé lourdement. Notre refus de soutenir les Gay Games 2018 (événement communautariste à 7 millions d'euros) nous aura coûté cher. Mais nous sommes en cela restés fidèles à nos principes de promotion de la diversité, du refus de l'entre-soi, d'un « communautarisme gay valorisant une identité ségrégative et finalement aboutissant à renforcer les préventions plutôt qu'à les apaiser » (rapport du ministère des Sports, décembre 2013).

     

    Retenons du Paris Foot Gay, de ses membres, joueurs, soutiens et compagnons de route qu'ils ont mis toutes leurs forces dans la bataille. Nous sommes fiers de l'avoir menée loyalement, avec détermination, sans concession.

     

    Julien Pontes
    Ancien président du Paris Foot Gay

  • La parole à l'association OUTrans

     

    En 2012 OUTrans saluait le vote de la loi argentine sur l’identité de genre qui ouvrait notamment la possibilité de changer prénom et mention de sexe à l’état civil sur simple déclaration, sans aucune condition médicale ou psychiatrique. Quatre ans plus tard, de nombreux pays à travers le monde ont suivi, et plusieurs recommandations internationales et européennes sont venues rappeler l’urgence de telles avancées. Pourtant en France, c’est toujours l’enfer des tribunaux qui est imposé aux personnes trans pour accéder au changement d’état civil (CEC).

    Dans un mélange de lenteur et d’arbitraire, les exigences médicales et psychiatriques des tribunaux de grande instance font peser sur les personnes trans le poids de la pathologisation et la violence de la normalisation des corps et des identités : preuves de stérilisation, certificats psychiatriques, endocrinologiques et chirurgicaux, « expertises » médico-légales... Ce système inhumain empêche de nombreuses personnes d’accéder au changement d’état civil au moment où elles en ont besoin, les plongeant pour des années dans une épuisante bataille pour accéder au travail, au logement, aux droits les plus élémentaires.

    OUTrans, comme beaucoup d’autres associations, demande la mise en place urgente d’une procédure de CEC libre et gratuite en mairie. Accessible à toutes les personnes, mineures et nées à l’étranger comprises, cette procédure doit être instaurée sans délai afin de faire cesser la violence du système actuel et de faciliter l’accès des personnes trans aux ressources (travail, éducation, logement...).

    Et du côté de la santé…

    L’accueil réservé aux personnes trans dans les établissements médicaux est souvent maladroit, parfois hostile et souvent peu informé sur les transidentités, compromettant ainsi leur accès aux soins. Face à ce constat, nous appelons à la formation et à la sensibilisation des profesionnel-le-s de santé aux enjeux des transidentités et à l’accueil des personnes trans. La vulnérabilité des personnes trans sur le plan de la santé est largement liée à une prise en charge médicale psychiatrisante et normalisante incapable de prendre en compte la diversité des parcours et des réalités trans.

    Vulnérables au VIH, hépatites et IST, alors qu’il n'existe ni enquête épidémiologique sur les spécificités trans, notamment sous traitement hormonal, ni campagnes, ni outils de réduction des risques adaptés à nos besoins et nos réalités si les associations trans ne les conçoivent pas.

    Vulnérables parce qu’un contexte transphobe permet difficilement de négocier des relations sexuelles protégées, de prendre confiance en soi et d’être conscient-e-s de la valeur de nos personnes. Vulnérables aux agressions et aux discriminations racistes, transphobes, sexistes, lesbophobes, homophobes, putophobes, handiphobes, et la liste n'est pas exhaustive parce qu'être trans c'est aussi et souvent appartenir à plusieurs de ces catégories à la fois.

    Lutter contre cette vulnérabilité, c’est d’abord lutter contre la pathologisation et la psychiatrisation des transidentités, principales violences responsables d’une mauvaise estime de soi et qui mettent en danger la santé des personnes trans. C’est lutter pour la libre détermination de nos identités et la libre disposition de nos corps, contre le conditionnement médico-légal de parcours de vie réduits à un « changement de sexe », en décorrélant CEC et traitements médicaux, en mettant fin aux stérilisations et aux expertises médicales dégradantes exigées par les tribunaux.

    OUTrans,
    association féministe d’autosupport trans, mixte FtM, MtF, Ft*, Mt*, personnes cisgenres

RAPPORT SUR L'HOMOPHOBIE 2016